Du bison au thon rouge, et de la chasse à la pêche, il n'y a qu'un pas et toujours le même phénomène, l'avidité qui conduit au désastre.
J'en viens à l'agriculture*.
Combien reste-t-il de paysans aujourd'hui en France? Le nombre d'exploitations qui était environ de un million et demi, employaient près de deux millions d'actifs au tournant des années 80, alors que la désertification des campagnes était déjà bien avancée. Aujourd'hui, si la surface de l'exploitation a à peu près doublé, il n'en reste que moins de 400000 et le nombre d'actifs est en gros de 800000. Et la dégringolade n'est pas finie.
Tout cela pour qu'on bouffe des fruits et des légumes modifiés trafiqués, gorgés de saloperies. Tout cela pour que les agriculteurs vivent de moins en moins de leurs produits.
A qui la faute me direz vous?
A tout le monde. A nous, consommateurs qui depuis des lustres acceptons de nous gaver de fruits « sans pépins » mais bourrés de pesticides, de viandes sans nerfs, de cerises à Noël et de tomates en février..
Aux paysans eux mêmes qui , orientés il est vrai par un génie agricole, une industrie agro alimentaire et une grande distribution qui leurs promettaient monts et merveilles se sont lancés dans le rendement jusqu'à la surproduction, dans l'endettement à outrance, dans l'utilisation débridée des produits chimiques... Je me rappelle, il y a déjà longtemps , avoir rencontré un vieil éleveur limousin ravi de voir ses veaux qui engraissaient à vue d'oeil sous l'effet des piqûres d'hormones que pratiquait le vétérinaire du canton.
Ca me fait rire d'entendre les agriculteurs d'aujourd'hui se vanter de sauvegarder les paysages, de préserver la nature et autres fariboles.
Qui a arraché les haies vives qui retenaient les eaux d'infiltration? Qui a démoli ou abandonné les murets qui retenaient les terres à flanc de collines? Qui a pollué les nappes phréatiques sans se soucier? Qui a accepté de devenir l'otage des marchands d'engrais, des grands semenciers que l'on ne connait que trop, des fabricants d'aliments pour animaux qui dictent leurs lois sur l'élevage?
Qui au lieu des cultures traditionnelles en harmonie avec le climat des régions se sont lancés à corps perdu dans la culture du maïs, cette céréale inepte avide en eau, qui épuise les sols et se prête à toutes les manipulations?
Et qui, pour le fric réel ou supposé est encore prêt à céder son terrain au transgénique?
Cette destruction systématique de la nature par une agriculture intensive et agressive, uniquement orientée vers une perspective de rapport immédiat n'est bien sur pas propre à la France. Des ecosystèmes comme la grande plaise hongroise, la pampa argentine , on vu leurs surfaces largement réduites pour laisser place aux sillons d'un horizon à l'autre. Aux USA dans les années 30, le Dust Bowl, une série de tempêtes de poussière ravagea les grandes plaines, jetant des dizaines de milliers de fermiers ruinés sur les routes. Tout le sol était dévasté, recouvert de poussière dues aux pratiques de l'agriculture intensive et à l'appât forcené du gain.
L'agriculture protectrice de la nature? Et puis quoi?
Et je passerai (presque) sous silence l'industrie, et surtout les grandes entreprises qui depuis longtemps ont perdu tout sens de leur raison d'être: fabriquer des objets pour faciliter la vie de l'homme, et de leur vocation sociale, fournir du travail et participer à la vie de la collectivité... On sait ce qu'il advient d'elles . Elles ne sont plus qu'objets de speculations, de gains immédiats. Le système financier qui les gère ne songe plus qu'au rapport à court terme et s'en détourne vite pour aller voir ailleurs dès qu'il en a liquidé les ressources. Les objets? Quels objets? La seule question est combien?
Alors l'écologie, vous pensez... Imaginez vous qu'ils vont prendre des gants. Et si on les embête, la menace vient vite: « on s'en va »... (Ce qu'ils ne manquent pas de faire qu'on leur cède ou qu'on leur résiste dès qu'ils y trouvent leur intérêt)).
Mon tour d'horizon des catastrophes , des calamités et des sombres perspectives dont l'homme est plus que largement responsable est loin d'être exhaustif. Je n'ai pas parlé de l'épuisement des ressources du sous-sol, des déforestations sauvages. Je n'ai pas parlé d'une science souvent complice, trop souvent mise à la disposition des exploitateurs... Il y aurait là encore beaucoup à dire.
Quant aux systèmes politiques, ils ne se sont guère empressés de réagir. N'a-t-on pas, à juste titre, reproché au système communiste le peu de cas qu'il faisait de l'environnement ? Ceux qui comme moi ont parfois trainé leurs guêtre dans les pays de l'Est avant la chute du mur, se souviennent des infrastructures industrielles lamentables, des fumées d'usines, des forêts bouffées par les retombées de particules industrielles.
Mais est ce que ce n'était pas la même chose de ce côté ci du rideau de fer? Une papeterie tout près d'ici n'a-t-elle pas refusé pendant des décennies de s'équiper de filtres pour éviter les rejets polluants, préférant larguer sur les campagnes environnantes ses particules chargées de chlore, sans parler de l'odeur de choux pourris reconnaissable à cent kilomètres à la ronde? Tout cela parce que les amendes imposées étaient dérisoires par rapport à la perte de rendement occasionnée par les filtres?
Et n'avons nous pas eu aussi la COGEMA, aujourd'hui Aréva, partie en nous laissant les déchets empoisonnés de ses extractions d'uranium?
Alors on verra que communistes ou capitalistes, les peuples sont logés à la même enseigne, et que d'une façon ou d'une autre c'est sur eux que retombent les misères...
(A suivre…)
* Marianne a consacré , dans un de ses derniers numéros, un excellent article au difficultés des producteurs de fruits du sud de la France…
Et pour l’histoire, si vous le pouvez, voyez ou revoyez ces deux précieux trésors que sont les deux films de Georges Rouquier Farrebique et Biquefarre, qui expliquent mieux que toujt l’évolution du monde rural, de l’après guerre aux années 80.
1 commentaire:
désespérement juste et inéluctable...
myope course au profit, la falaise des bisons.
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