Je ne vais pas une fois de plus jouer les guides. Vous trouverez facilement des itinéraires pour explorer cette curiosité, les villages blancs d'Andalousie, ces « pueblos »immaculés accrochés à leurs collines et dont les rues étroites dévalent les pentes raides.
Médina Sidonia n'est pas le plus connu d'entre eux. Dans la même région de la Province de Cadix, il y a aussi Arcos de la Frontera, dont tous les guides parlent, Ubrique, Alcala de los Gazules dont on ne parle jamais, Vejer, et quelques autres. Des petites routes sinueuses vous conduiront de l'un à l'autre à travers les Sierras couvertes de forêts de chênes verts. Attention à la A2304 entre Ubrique et Alcala de los Gazules, 54 km de forêt à travers la sierra de Grazamela, que vous mettrez sans doute plus de temps à parcourir que vous ne le pensez en voyant la carte, tant l'étroite bande de bitume, bordée par des fossés profonds est tortueuse.
Médina Sidonia est sans doute l'un des plus anciens villages de la région, il tire son nom de l'arabe, mais il fut occupé en premier par les phéniciens puis par les romains et aussi par les normands ou les byzantins....
Comme dans tout village andalou, il faut explorer, se promener au hasard des venelles, glisser un oeil dans l'entrebaillement des portes, pour s'imprégner de l'atmosphère de l'endroit.
Il faut aussi s'arrêter dans l'un des petits restaurants de la place pour déguster de vrais tapas, loin de ces saloperies préfabriquées qui ont envahi la plupart de nos villes. (Je critique mais il m'arrive plus souvent qu'à mon tour de m'y laisser prendre.)
Mais Médina Sidonia n'est pas seulement un charmant village. C'est aussi le siège d'un duché. Vous allez dire : Quelle importance ? On s'en fiche... Attendez la suite.
En 1264, reprise aux arabes par les rois chrétiens elle devint un objet de discorde entre les rois de Castille et une puissante famille du coin les Guzman. La bagarre allait durer quasiment deux siècles jusqu'en 1445, quand fut créé le puissant duché de Médina Sidonia. Une longue lignée de Ducs ont suivi jusqu'à nos jours. On en est au 22e . Mais parmi eux voilà que l'on découvre un personnage intéressant.
C'est le 21 Août 1936 que nait à Estoril, au Portugal Luisa Isabel María del Carmen Cristina Rosalía Joaquina Alvarez de Toledo y Maura, 21e duchesse de Medina Sidonia, marquise de Villafranca del Bierzo, marquise de los Velez, Comtesse de Niebla, trois fois grande d'Espagne... Imaginez Sarko s'il était trois fois grand...
Toute cette énumération n'était là en fait que pour vous en boucher un coin, et pour que vous vous disiez que pour signer mieux vaut s'appeler Léo Boudin.
Cependant cette Isabel Alvarez de Toledo a une histoire paradoxale. Dès son jeune âge elle s'avère de gauche, républicaine et antifranquiste. Avouez qu'il y en a qui ont du mérite, non ?
Elle soutient les pêcheurs et les paysans de la région de Jerez et organise une manifestation lors de l'accident nucléaire de Palomarès, près d'Almeria. (En Janvier 1966 un B52 de l'armée américaine transportant quatre bombes H au plutonium entra en collision avec son avion ravitailleur. Les deux avions s'écrasèrent et les bombes furent dispersées au sol. Deux explosèrent, heureusement de façon conventionnelle, mais libérant 4,5kg de plutonium et polluant gravement 250 hectares. Bien entendu la Défense des USA nia puis minimisa l'accident... )
Donc notre duchesse rebelle (dite la duchesse rouge) fut jetée dans les geôles franquistes, à la prison d'Alcala de Hénarès où elle passa huit mois.
Libérée, elle récidiva en écrivant « la grève », un roman qui fut un bestseller et qui traitait de la misère des paysans dans les grandes propriétés andalouses, de la torture dans les casernes de la guardia civile et qui évoquait l'organisation d'une grève (interdite sous le franquisme).
Elle ne dut son salut qu'à son exil vers la France où elle vécut sept ans avant de rentrer à Sanlucar de Barrameda où se trouvait en fait le palais ducal.
Proche du parti socialiste ouvrier espagnol (au temps où ce parti était socialiste), écologiste, elle consacra la fin de sa vie à des recherches historiques et fit don du château, où elle avait aménagé des chambres d'hôtes, et de ses archives (un des plus grands fonds mondiaux d’archives privées) à la Fundacion Casa de Medina Sidonia qu'elle fonda et dont elle fut la présidente.
Ses recherches prouvèrent que bien longtemps avant Christophe Colomb, les marins arabo-andalous commerçaient avec le Brésil, la Guyane et le Vénézuela. (Les Vikings au nord, les arabes au sud le précédèrent, mais sans doute le génois était il plus médiatique...)
La duchesse rouge est morte le 7 mars 2008 à Sanlucar.
Mais avant de mourir elle a sans doute voulu donner un dernier coup de pied dans la fourmilière de cette société contre laquelle elle s'est si souvent révoltée. Sur son lit de mort, comme la loi espagnole le permet maintenant, elle a épousé sa secrétaire Liliana Dahlmann.
Sacré personnage, n'est ce pas?
7 commentaires:
Très intéressant je ne connaissais pas, il faut dire que l'Andalousie n'est pas la région que je préfère mais ça n'excuse en rien ce manque de culture ;-)
Bizzzzzzz
Nal
Une très grande dame, dont toute la vie a été en contradiction avec son éducation. Peut-être pas autant que ça, dans le fond. Mais, bon, chapeau bas.
Un grand merci, grace à vous je découvre ma grand-mère, tant boudée par mon père. Il était temps que je sache.
quel commentaire impossible ... !
Bravo Madame!
Vous avez enthousiasmé mon adolescence...
Je découvre seulement ce soir votre fin, et je dis encore "Bravo"!
BRAVO Madame!
Vous avez enthousiasmé mon adolescence...Je viens de découvrir votre fin romanesque...Encore BRAVO!
Il me souvient m'être fait dédicacer sson ouvrage ,dans une librairie de Perpignan,elle avait parle avec moi durant cinq minutes,ne tenant point compte de la piètre qualité de mon castillan d'alors.je. garde surtout en mémoire un regard plein de douceur et d'humanité. Je dois pas mal de mes engagements a cette furtive rencontre.honneur a vous madame.
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