En ce temps là, leurs Majestés se rendirent pour la seconde fois en la perfide Albion. L'Empereur comptait mettre son petit pied sur talonnettes dans le brodequin du grand Charles, un général qui, bien longtemps avant l'Empire et ses fastes, avait rendu au pays l'honneur perduà cause d' une défaite cruelle face aux hordes germaniques. Ce général avait fait pour la grandeur de son pays restaurée, pour la dignité de son peuple, pour l'indépendance. Tout le contraire du petit homme qui avait rabaissé le sien, l'avait discrédité aux yeux du monde et mis aux ordres de l'étranger.
Le brodequin était trop grand et le pied trop petit.
Sa gracieuse Majesté n'apparut point cette fois, ce qui évita à l'impératrice Carla toutes les courbures, génuflexions, mimiques niaises et airs de mijaurée du précédent voyage, qui avaient tant plu outre-Manche .
Il s'agissait surtout pour Sa Majesté d'essayer de redorer un peu son blason plus que défraîchi en son pays. Mais il se rendit compte qu'il eût été , non point malséant car le malséant lui convenait, mais maladroit, de lancer à son tour un appel, voire de se vanter, comme il l'avait fait pour la chute du mur de Berlin, en prétendant qu'il avait lui même prononcé le fameux appel ou tout au moins qu'il en avait suggéré les termes au général.
Pourtant, tel le grand Charles, il eût pu récidiver et s'adresser de Londres au pays, car l'Empire venait tout juste de subir une défaite cuisante et épouvantable.
L'équipe impériale de ballon au pied venait de se faire occire avec armes et bagages par les mexicains basanés. Le baron d'Oménech qui était responsable impérial du ballon au pied s'était couvert la tête de cendres et songeait à l'exil.
Quant au peuple dont le ballon au pied était, en ces temps de misère la principale préoccupation, il venait de découvrir avec stupéfaction que les joueurs qu'il avait admirés, choyés, nourris de son malheureux argent, n'étaient que fanfarons, malotrus et crapules, de pauvres mercenaires cent fois payés au prix de l'or, avides, fainéants, indignes en tous points des couleurs impériales qui les enveloppaient. On avait vu ces pachas trop grassement payés se trainer d'un air d'ennui, à une allure de tiroirs caisses chargés d'or.
Certains en venaient à se demander à quoi servait ce ballon au pied... Qu'apportait il ? Que produisait il ?
Pendant que des hordes de nigauds hurlaient autour des terrains de jeu, prenant fait et cause pour celui-ci ou celui-la, en venant à s'écharper et parfois même hélas à s'entretuer, la bande impériale pouvait en toute impunité sabrer dans les retraites, ou détruire l'instruction des enfants.
Le peuple, abêti par le spectacle n'y voyait rien.
Personne ne voyait non plus que la cour se servait, puisait à grandes brassées dans les caisses qui eussent dû apporter un peu de bien-être au peuple.
Soeur Sainte-Boutin, confite en dévotions n'oubliait pas entre deux confessions de passer au tiroir caisse. Prise les mains dans le sac , après avoir nié en dépit des évidences, elle s'était défendue d'extravagante façon en prétendant qu'elle ne pensait qu'aux pauvres... Sans doute acceptait elle les deniers qui eussent dû leur revenir pour leur mieux faire la charité.
Elle n'était pas la seule à accumuler des revenus indécents
Un autre se faisait offrir ses cigares , pour d'autres encore c'étaient des voyages au long cours à des prix extravagants, des loyers qui eussent donné le vertige. Chacun s'arrangeait, se trouvait des droits à construire que l'on eût refusés aux autres, s'attachait les dons d'une vieille milliardaire retombée en enfance... Rien n'était trop, quand, dans le même temps on contraignait les sujets à rembourser la dette que l'empereur, ses amis, ses banques et sa confrérie avaient creusée.
Il y avait eu d'autres temps où devant de semblables situations on eût assisté à des jacqueries, à des révoltes de canuts, et même à des révolutions. Mais le peuple, condamné à travailler jusqu'à l'entrée de la tombe, à condition qu'il y eût du travail à lui donner, semblait assoupi et indifférent.
Le spectacle du ballon au pied seul lui importait, mais à condition que les mules impériales gagnassent la partie. La défaite dans ce jeu et rien d'autre semblait pouvoir entrainer des troubles.
On apprit que le joueur Anelka avait injurié le baron d'Omenech.. Aussitôt sa Majesté se précipita pour rétablir l'ordre et intervenir dans la dispute avec tout le poids que lui donnait son titre d'Empereur. Il trouva que le joueur avait fort mal parlé, ce qui était intolérable. Sa petite Majesté avait sans doute raison, mais l'épisode ne manquait pas de sel de la part de celui qui avait prononcé la phrase inoubliable « Cass' toi pov' con »....
Ainsi allait l'Empire en ces temps troublés
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