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Dimanche à 17h 33 nous voici de nouveau à Austerlitz pour le départ du train. Vous imaginez bien le suspense:: nos billets « voyage dans le sens de la marche » vont ils cette fois nous permettre d'aller de l'avant?
Hé bien non. Encore une fois nous tournons le dos à l'avenir. On est bien dans la France de Sarkozy, sous prétexte d'avancer, on fonce droit en reculant.
Dès lors une question se pose. Est ce le hasard qui commande ma place? Autrement dit la SNCF qui m'a encouragé à prendre des billets pour un voyage dans le sens de la marche se fiche t elle royalement du fait que j'aie cliqué ou pas sur la case appropriée? Quel que soit le voeu qu'ils ont manifesté, les voyageurs sont ils soumis au hasard? C'est bien possible.
Je ne peux penser que la Compagnie m'en veuille personnellement et qu'elle prenne un malin plaisir à me positionner dans le sens inverse que celui que j'ai choisi. Je n'ai jamais rien fait à la SNCF, je ne me souviens pas avoir vomi dans ses wagons ni m'être reposé les pieds sur ses banquettes...J'ai toujours payé mes voyages.
Et puis une autre hypothèse me vient à l'esprit : et si encore une fois ma moitié de train était victime des cheminots de Cahors? Je m'explique: si apres avoir oublié un jour de retourner la rame dans le bon sens le jour précédent, ils s'étaient mis ensuite à faire consciencieusement leur boulot? Qu'ils aient systématiquement remis les wagons dans le mauvais sens... Cela pourrait durer jusqu'au prochain jour d'oubli. Voyageurs de la ligne Cahors Paris vous risquez de voyager dans le sens inverse de celui de vos souhaits jusqu'à la prochaine défaillance des cheminots cadurciens.
Ces savants calculs nous ont propulsés jusqu'au fond des banlieues, et mon regard se porte sur le paysage qui se déroule sous mes yeux. Il vient de tomber une grosse averse d'orage et les toits, les routes, les feuillages, l'acier des rails, encore dégoulinants luisent dans le soleil qui réapparait par instants.
Du train, on voit l'arrière du monde, le cul de l'humanité.
Zones industrielles glauques, amas de poutrelles, engins de chantier rouillés, entrepots en ruine, hangars ouverts à tous les vents, murs délabrés , et les gares de triage désaffectées, abandonnées, le matériel oublié, motrices, wagons aux vitres explosées, tout cela tagué ,couvert de graffitis jusqu'au dernier centimètre carré de tôle lépreuse...
Et au cul des pavillons les jardinets, jouets d'enfants abandonnés sur la pelouse,et ces hideuses piscines de plastique hors-sol. Dans un jardin une longue table de plastique vert, flanquée d'une douzaine de sièges et abritée par quatre malheureux parasols dépenaillés qui ne pouvaient pas faire plus contre la violence d e l'averse qu'une équipe de france ordinaire face à la déferlante hollandaise.
Puis les agglomérations s'espacent et au delà de l'église trapue d'Etampes on entre enfin dans les campagnes.
Avant Orleans on longe la voie monorail de l'ingénieur Bertin, sur ses piliers. Le projet fut abandonné vers 1970. On frémit à l'idée d'une floraison de ces viaducs de béton brut à travers les campagnes de France. Je remarque une inscription en grosses lettres noires: « Non à la prison à Cercottes! » Décidément ils sont obstinés ...
Vierzon... Vierzon c'est le bouchon sur la ligne, le verrou, l'obstacle... Combien de trains restent en rade à Vierzon, parfois durant des heures! Chaque voyageur a en lui une appréhension secrète, rester en rade à Vierzon. Pourquoi? Nul ne le sait... Une fragilité des caténaires? Une municipalité communiste? Tout est mystère à Vierzon. Et voici que justement notre train qui ne doit pas s'arrêter, se met à ralentir bien avant l'entrée en gare. La vitesse chute, inexorablement. L'effroi se lit dans le regard des voyageurs, chacun pousse dans sa tête, appuie sur les bras de son siege. Rien n'y fait. Lorsque l'inscription Vierzon apparaît, on est à combien? Cinquante kilomètres heure, tout au plus, qui descend rapidement à trente puis à vingt... La tension est palpable. On longe le quai à dix, puis à cinq... Ca y est... mais non nous avançons encore un peu, nous atteignons le bout du quai, l'accélération se fait sentir, nous l'avons échappé belle!
Lorsque l'Eurostar, voire un vulgaire TGV normal prennent deux heures de retard il faut lire les gros titres dans la presse. Mais les quatre ou cinq heures de rétention d'un Corail Téoz en gare de Vierzon ne semblent avoir aucune espèce d'importance. C'est cela la vie des régions déshéritées!
Le reste du trajet n'est qu'une question de patience.
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