En ce temps là, Sa Majesté, en grand cortège, se transporta en Espagne pour s'y faire honorer par le Roi des Ibères, l'Infant d'Espagne, les Infantes et toute la famille royale, et Don Zapatero, le chef du gouvernement dont il avait mis en doute l'intelligence, peu de temps auparavant.
Les Espagnols bons princes ne lui tinrent pas compte de cette inconvenance et reçurent le couple impérial en grande pompe, déployant pour eux, fastes et liesses.
Mais celle qui séduisit le plus et dont le monde ibère tomba dans l'instant amoureux, fut l'Impératrice. Qu'elle fût en robe noire et boléro blanc, en bleu nuit ou en robe longue, elle enjôla tout son monde .Les hidalgos bombèrent le torse et les gazetiers ne jurèrent plus que par elle. L'enthousiasme atteignit son apogée quand elle claqua deux bises sonores sur les bonnes joues de la Reine, et deux autres encore sur celles de la princesse Letizia, épouse de l'Infant d'Espagne. Les vivats étaient à leur comble.
Certains de ce côté ci des montagnes proposèrent de la vendre aux espagnols et même de la leur donner à condition que l'on en fît un lot avec l'Empereur. Ainsi les ibères les auraient ils pour eux et pourraient ils les admirer tout le temps qu'ils le voudraient.
A table le petit Monarque, se montra quant à lui brillant, en associant les plus grands artistes de l'Empire et du Royaume. Il en trouva deux, un de chaque bord, le footballeur Zidane et le peintre Picasso. L'un de ses conseillers culturels lui avait appris avant de partir que Picasso était plus qu'un modèle d'automobile. Les deux, le peintre et le footballeur avaient ceci en commun qu'ils avaient gagné beaucoup d'argent, ce qui aux yeux de Sa Majesté était le gage de leur valeur.
Il ignorait l'existence de Goya, de Velasquez aussi bien que de Cervantès dont le récit picaresque, « Don Quichotte de la Manche, » lui eût paru tout aussi inutile et nébuleux que la « Princesse de Clèves ».
Cependant tandis qu'il était en Espagne, de lourds nuages venus du Mexique et portant une de ces maladies que la médecine s'avérait impuissante à combattre menacèrent de s'abattre sur l'Europe.
Heureusement notre pays était prémuni depuis longtemps contre ces risques.
Il était, en paroles tout au moins le mieux protégé de tous les états de la terre. On se souvenait encore du Général Gamelin, qui avait affirmé à la veille de l'une des plus piteuses déconfitures de nos armées qu'il ne manquait pas un bouton de guêtre à nos fantassins, ou de l'incertain Professeur Pèlerin qui avait prétendu que des nuages toxiques venus d'Ukraine s'étaient trouvés détournés à leur arrivée sur nos frontières.
Cette fois ce fut le Premier Ministre de secours, un certain Comte de Fillon qui expliqua gravement que l'Empire ne risquait rien. Il ne le dit pas mais sans doute pensait il que les virus venus par aéronef repartaient avec ceux ci, et que la porte ouverte, voyant la sérénité qui régnait en l'Empire, les minuscules bestioles se refusaient à descendre troubler cet impérial paradis.
Mais dans le même temps, les manufactures continuaient à déverser chaque mois sur le pavé leurs dizaines de milliers d'ouvriers sans qu'aucune thérapie ne pût venir au secours de ces exclus.
Tout ce qu'imaginait l'Empereur consistait , mois après mois à donner plus d'aides aux patrons, en prétextant qu'il s'agissait là de la seule façon d'aider les travailleurs. Comme un enfant de cinq ans l'eût facilement deviné toutes ces aides disparaissaient dans des poches sans fond, sans nul retour...
Il semblait qu'aux yeux de Sa petite Majesté, en ces temps de plus en plus troubles, les seules choses importantes, outre donner de l'argent aux riches, fussent de surveiller et de punir le peuple par le biais de la trop fameuse loi Hadopi, et de faire travailler le Dimanche, alors que le travail manquait tous les jours de la semaine.
Les gens sensés se perdaient en hypothèses sur cette urgente nécessité du travail du Dimanche. Se pouvait il que les pandémies fassent relâche le jour du Seigneur? Cette loi était elle un ordre venu d'en haut, au Saint Chanoine de Latran et que Dieu lui aurait soufflé pour entretenir la Laïcité positive? Nul ne pouvait le dire mais le Prince y tenait jusqu'à le remettre sans cesse sur le métier malgré l'opposition du peuple.
En une démocratie vulgaire, il eût paru inconvenant à beaucoup que l'on méprisât ainsi les désirs du peuple. Fort heureusement qu'à la tête de l'Empire régnait un maître insensible à ce que pensaient les sujets.
La cour continuait à être agitée des grâces et disgrâces du Souverain. Le petit baron Karoutchi avait dû s'enfuir sous les lazzis, après son échec au parlement. Il n'avait pas même été tancé par l'Empereur en personne, mais par un de ses valets, ce qui était la marque de l'exclusion la plus infamante.
Quant au puissant Duc Juppé d'Aquitaine, qui le temps d'avant avait montré toutes ses dispositions et son désir de revenir au sommet des affaires, et qui n'attendait plus que le signe du Prince pour se précipiter, il en fut pour ses frais. Il tomba de haut lorsqu'il apprit ce que le monarque avait déclaré à son cercle de proches, en son langage si particulier et si empreint de noblesse : « Pourquoi vouliez vous que je m'emmerde à prendre Juppé? Il n'a pas changé. Il a un côté donneur de leçons qui m'agace...Au moins Villepin a fait le discours de l'ONU sur l'Irak qui restera dans l'histoire. Juppé il n'a fait que la dissolution. »
Le pauvre Duc, apprenant ces mots et le mépris qu'on lui témoignait, déclara tout de go qu'il n'avait jamais été en son intention de se rapprocher du pouvoir, que maire de Bordeaux il était, et maire de Bordeaux il resterait, qu'il n'avait jamais pensé autrement. C'était oublier un peu vite et avec l'hypocrisie qui lui était coutumière, les déclarations qu'il avait répandues partout les jours précédents.
Sa Majesté ne prenait pas assez garde à tous ces rivaux qui tournaient dans l'ombre autour d'elle et qui un jour pouvaient chercher à lui nuire. Elle n'avait d'yeux que pour Tapie le mirifique, qu'elle avait fait combler de millions et qui songeait à se remettre en commerce. Cela allait bien à l'Empire et à son maître.
1 commentaire:
Qu'en termes exquis ces vérités sont dites!
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