J'aime Bruxelles. Je parle du vieux Bruxelles, des ruelles animées aux pavés disjoints luisants sous la bruine. Il y flotte une atmosphère particulière, à la fois familière et exotique, chargée de nostalgie comme si l'ombre du grand Brel nous accompagnait partout.
Il y a des lumières et de l'ombre, de somptueuses boutiques de chocolats. On s 'arrête manger une gaufre moelleuse, il n'y a que l'embarras du choix. On fait provision de spéculoos chez Dandoy le roi de la spécialité. Et pour finir on va s'attabler aux Armes de Bruxelles. Une institution. Là aussi on retrouve Brel, assis dans le coin, à sa table. On y a même parfois ses bourgeois comme voisins. Et, tout en observant ce qui se passe autour de soi, on mange, fort bien, des plats traditionnels servis par des garçons stylés.
Tout cela semble un peu suranné. Mais en sortant vers une heure et demie du matin, la panse pleine, on retrouve la rue livrée à des bandes de jeunes braillards et embièrés (j'allais écrire avinés). Alors on remonte son col, on enfonce son chapeau et on se hâte, à cause de l'humidité glacée et pénétrante, de regagner son hôtel.
Alors je sais, une question vous brûle les lèvres : mais comment font ils ces pauvres belges pour survivre sans gouvernement ? Bientôt un an qu'ils n'ont personne pour s'occuper d'eux, pour leur mitonner de petites réformes « utiles ». Quelle misère ! Comment peut on vivre sans réformes ?
Je n'ai pas eu l'impression qu'ils s'en trouvaient beaucoup plus mal. Au moins si personne n'essaie de leur améliorer la vie, au moins personne ne s'efforce de la leur pourrir à tout prix. Pas de Sarko ni de Fillon, serait ce la voie de la sagesse et du bonheur ? Au moins pour les fêtes, ils allaient venaient, mangeaient au restaurant, achetaient des chocolats, riaient, se racontaient des histoires.. Pas plus préoccupés que nous qui avons un président et un gouvernement arrogants décomplexés, incompétents et nocifs. Le taux de chômage sans gouvernement est de 8,5%. Avec notre équipe de bras cassés aux commandes il est de 9,8%. Même la fameuse dette ne flambe pas plus s'il n'y a personne pour s'en occuper. Alors ?
Je ne dis pas que tout va bien en Belgique. Celui qui comme moi lève un peu le nez pour humer le fond de l'air découvre des choses intéressantes.
Un exemple : vous prenez le train à Bruxelles Midi pour vous rendre à Gand. Au départ, un affichage défilant lumineux vous informe, en français puis en flamand que vous avez quitté la gare de Bruxelles midi et que votre prochain arrêt se situe à Gand Saint Pierre... Mais voici qu'à mi chemin entre les deux villes, l'inscription en français disparait... Un peu mesquin, non ?
Un peu mesquine aussi la gente dame qui à Gand (Gent) ne peut absolument pas nous donner un renseignement en français, mais retrouve la mémoire pour nous le donner en anglais ou en allemand, avec le sourire... (J'aurais peut-être dû essayer aussi en occitan.)
Et puisque nous en sommes aux trains, je voudrais dire combien les chemins de fer belges me semblent efficaces comparés à notre malheureuse SNCF en perdition qui ne sait que fermer des gares et supprimer des lignes et des trains. Je ne veux pas dire que chez nos voisins du nord tout est top, qu'il n'y a pas de retards, ni que le matériel est toujours dans un état parfait. Et il est vrai que les dimensions du pays sont sans commune mesure avec celles de la France. Mais la densité du réseau, la fréquence des dessertes font qu'on peut partir de Bruxelles dans l'heure pour à peu près n'importe quelle ville. Les possibilités sont quasiment illimitées, et il suffit de voir le mouvement d'une gare comme Bruxelles Midi pour en être persuadé. Et les trains sont pleins ! Ce qui prouve qu'en présentant une offre de transports publics cohérente et pratique, on attire les usagers. Tout le contraire de ce que nous chante la SNCF qui dans son acharnement à démanteler son réseau (hors les sacro saints TGV) ne fait que dissuader les voyageurs et tire prétexte de la désaffection du public pour augmenter ses prix et fermer ses lignes.
Et la partition de la Belgique où en est on ? Quand allons nous récupérer les Wallons ? Ca aurait de l'allure, non une province de Wallonie ?
Je n'y crois pas trop, et même j'y crois de moins en moins. Malgré tout, malgré leur détestation réciproque, je crois que les deux parties de la Belgique ne peuvent faire autrement que cohabiter. La situation est inextricable et le divorce , pour des tas de raisons économiques ou pratiques, parait impossible. On peut toujours organiser de nouvelles élections pour essayer de trouver une sortie, il y a peu de chances qu'elles donnent des résultats différents des précédentes. Au moins tant que chacun ne saura pas dépasser le problème linguistique pour s'attaquer au problème de vivre ensemble.
Tant que les extrémismes joueront de la religion, de la langue, du rejet de l'autre, du refus de solidarité, auprès de populations vulnérables pour cliver comme dirait l'autre, et pour manipuler... Cette Europe qu'on nous a tant vantée, aurait dû, selon ses défenseurs , nous protéger de cela. Il n'en est rien. Dans son contexte sauvagement libéral elle ne fait qu'exacerber les égoïsmes.
La Belgique n'est pas la seule victime, de la Catalogne à l'Italie du Nord les régions les plus riches refusent de contribuer à la vie des plus pauvres, et d'ailleurs cela s'étend aujourd'hui à l'individu. Le plus riche ne veut plus payer pour le plus démuni. Chacun pour soi.
Aujourd'hui même, le Xeme « conciliateur » désigné par le Roi va remettre sa copie, et si par le plus grand des hasards sa proposition était acceptée par l'ensemble des partis, cela pourrait donner lieu à l'ouverture d'une négociation..
Allez les belges secouez vous un peu.
Les photos qui illustrent ce texte viennent de Gand. Je les ai prises le Vendredi 31 Décembre sous la bruine qui recouvrait le plat Pays...
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