L'Empereur Talonnettes se rendit en Afrique, à la rencontre se ses noirs, et surtout de son noir favori, Ali du Gabon. Sa Majesté n'aimait rien tant que les noirs de ses colonies, et surtout les noirs uranifères, nickelés ou pétrolifères. Il prenait grand soin d'eux. Cependant, préparant son voyage, il eut vent d'un certain discours qui avait été prononcé deux ans auparavant dans l'un de ces pays d'Afrique et qui avait fait grand bruit des plus désagréables. Il y était question de l'homme africain « pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. »
A la lecture de ces phrases, le sang de Sa Majesté ne fit qu'un tour. Le monarque convoqua illico le Marquis de Guéant , son grand chambellan. Le Marquis se précipita, vit le visage de Sa Majesté empourpré par une forte colère, se confondit en moultes courbettes. Lorsqu'il se releva, il vit que l'Empereur lui tendait un papier: « Qui a prononcé ce discours, qui a écrit cela Guéant, je veux le savoir tout de suite, c'est une ineptie honteuse, des têtes vont tomber. Le visage de Guéant s'empourpra à son tour lorsqu'il reconnut l'écriture et le libellé... il se mit à bégayer... « Ma ma ma... Majesté... Ce ...Celui qui l'a écrit, c'est le Marquis de Carabas, et celui qui l'a prononcé, c'est le le Chat Botté... » Qu'on me trouve tout de suite ce Marquis de Carabas pour le faire exécuter sur l'heure avec son chat, tempêta le petit souverain en frappant le sol de ses talonnettes. On ne traite pas comme des arriérés incapables de s'adapter, mes amis africains, et surtout mon allié Ali... Je veux voir ce Carabas et son chat, pendus au gibet sans plus attendre. D'autant que j'ai déjà entendu ce nom me semble-t-il...
Guéant s'enfuit à reculons, le nez au ras du sol et ne respira que lorsque la porte du bureau impérial fut refermée derrière lui..
En effet quelques mois auparavant, lorsqu'était arrivée la grande crise durant laquelle des millions de gens dans le monde , parce qu'ils s'étaient endettés auprès des banques en souscrivant des prêts hypothécaires, et que, ne pouvant payer les intérêts ils avaient été jetés au long des routes, Sa Majesté avait été pris d'une grande colère. Il avait sermonné les banques, leur enjoignant de retrouver le chemin de l'honnêteté. Mais fouillant dans ses archives il avait retrouvé un discours où il était dit : "Les sujets de l'Empire sont aujourd'hui les moins endettés d'Europe. Or une économie qui ne s'endette pas suffisamment est une économie qui ne croit pas en l'avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. C'est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages."
L'empereur avait aussitôt interrogé son fidèle Guéant pour lui demander qui avait osé prononcer ce discours misérable, aussitôt contredit par les faits. Et le marquis de Guéant, pris de court avait déjà sorti la fable du marquis de Carabas et de son Chat Botté.
Et voici qu'une nouvelle catastrophe survint sous forme de vents d'une grande violence qui dévastèrent les rivages océaniques. Dans la furie de la tempête, d'énormes vagues renversèrent les digues mal entretenues et se déversèrent dans des marécages où des constructeurs sans scrupules avaient édifié des maisons exposées ainsi aux cataclysmes. Il y eu de nombreux morts et Sa Majesté se rendit sur les lieux. Il trouva incroyable que l'on eût autorisé de telles constructions en ces endroits là et demanda que des dispositions soient prises pour que l'on réglementât strictement l'édification de maisons d'habitation dans les zones exposées aux caprices de l'eau.
Rentré au palais, il consulta ses mémoires et il crut s'étouffer en découvrant que peu de temps auparavant, un discours en son nom avait été prononcé qui disait ceci : « Il faut libérer l'offre, déréglementer, augmenter le Coefficient d'occupation des Sols, rétablir la continuité du bâti dans les zones denses, permettre aux propriétaires d'agrandir leur maison individuelle, rendre constructibles les zones inondables, utiliser les interstices, changer les procédures, changer la façon d'appliquer le droit... »
« Nom de dieu, s'écria le petit homme, Guéant!...Guéant ! L'autre pov'type et son chat ont encore frappé. Décidément ils me cassent tout ces deux là. Ils ne cherchent qu'à me nuire, ils me cassent la baraque, ils sabordent à l'avance toutes mes bonnes intentions. Ce n'est pas étonnant que le peuple me déteste que ma popularité soit proche de zéro. Arrêtez moi tout de suite ces deux individus. Qu'on en fasse ce qu'on voudra mais qu'on les empêche de me nuire. Savez vous Guéant s'ils ont d'autres exploits à leur actif? - Je crains fort que oui, Sire. Ils ont déclaré un jour que vous étiez le prince du pouvoir d'achat. - Ah les misérables, moi qui ruine l'Empire et mes sujets... - Ils ont dit comme si cela venait de vous , que chacun pouvait gagner plus en travaillant plus... - Alors que ma politique augmente sans cesse le nombre des sans travail. Mais dites moi Guéant, vous les connaissez? - Par ouï dire, Sire, seulement par ouï dire. - Ce sont gens de gauche? Des opposants? - Que nenni, Votre Majesté, les gens de gauche ont trop peu d'imagination pour aller inventer de pareilles sottises. »
L'Empereur réfléchit quelques instants. « Tout cela ,Guéant, est la faute de la duchesse de Pécresse en détresse. Je lui ai confié le soin de mener ma campagne, mais elle ne maitrise pas ses troupes. Ils font n'importe quoi, ils racontent des âneries. Si je n'interviens pas ils vont perdre ces élections d'une façon ridicule qui va me rejaillir au visage. Convoquez la moi sur l'heure. - Mais Sire... - Qu'y a-t-il encore Guéant? - Vous avez dit que vous ne vous mêleriez pas de ces élections provinciales, que ce n'était pas le rôle d'un souverain que de s'y compromettre, que vous vous sentiez bien au dessus de ces chamailleries.. - Moi j'ai dit cela? Vous en êtes certain? - Certain Sire... - Hé bien vous n 'avez qu'à annoncer que c'est le Chat Talonné qui l'a dit à ma place...
1 commentaire:
Grandiose! Cette chronique là résume à elle seule la politique du chat talonné: "Tout et son contraire ". Ne sachant plus sur quel pied danser il poursuit pourtant inlassablement la gigue. Bien triste sire!
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