Au début certains avaient trouvé en l'Empire et en son maître quelques raisons de se réjouir. Ils se précipitaient pour rire en voyant le petit homme gesticuler, assénant sa vulgarité et son inculture. Ils l'écoutaient débiter ses fadaises: « travailler plus pour gagner plus, la récompense du mérite, la croissance arrachée à la force des dents ».
Il en est même qui pouvaient y croire, car en ce pays où autrefois les gens s'étaient battus pour acquérir une vie digne, beaucoup s'imaginaient meilleurs que leur voisin, plus aptes à conduire un attelage, plus travailleurs, plus intelligents..
Mais le temps passa et les rires commencèrent à s'éteindre au fur et à mesure que les lois sortaient comme des lapins du chapeau d'un magicien contorsionniste.
Et vint le moment où l'on put juger des effets néfastes de la politique impériale, et à l'exception des amis de la bande, plus personne n'eut l'occasion de rire.
Les manufacturiers avaient empoché les millions de ducats qu'on leur avait si généreusement donnés sans contrepartie pour aller s'établir ailleurs. Où fallait il s'adresser pour travailler plus dans une contrée où le nombre des privés d'emploi ne cessait de croitre?
Où était le mérite de ceux que le prince, de par sa seule volonté nommait à tous les postes importants, uniquement parce qu'ils étaient courtisans ou nantis, amis ou même enfants. (On se souvenait comment la décision de confier à l'Aiglon sans aucune compétence ni savoir la gestion d'un prestigieux ensemble avait soulevé une grogne telle que l'empereur avait dû provisoirement y renoncer).
Où était la sécurité promise quand on avait raréfié la police et que des bandes organisées en venaient aux mains dans les rues pour du commerce de drogue, ou pour un simple spectacle sportif affligeant.
Les violences grandissaient, les haines s'exacerbaient, entretenues et libérées par des irresponsables gouvernementaux,et Sa Majesté elle-même, qui pointaient sans cesse du doigt des catégories de sujets et les désignaient comme coupables des échecs des politiques impériales, les proposant à la vindicte des autres et alimentant les aigreurs et les haines..
Où était la facilité de s 'instruire quand on avait détruit l'enseignement?
Comment pourrait-on se soigner quand on aurait réduit à néant l'hopital public?
Le peuple commença à comprendre quel était l'homme qui était arrivé au pouvoir.
Mais il n'est pas certain que sa Majesté eût quant à elle, tout à fait compris l'immense sentiment de rejet qui s'emparait de ses sujets.
Nico le bref, monté sur ses talonnettes, croyait encore s'en tirer avec quelques hâbleries dont riraient servilement les courtisans qui l'entouraient, car il n'avait plus le courage d'aller à la rencontre d'un peuple qui l'effrayait trop.
Ainsi avait il prétendu qu'il avait et en personne, fait chuter le mur de Berlin. Un criminel présumé s'étant enfui dans la campagne et n'ayant pu être retrouvé qu'au bout de trois semaines de recherches, le Souverain se vanta de l'avoir retrouvé lui-même.
A l'entendre, on ne comptait plus ses exploits.
Le dernier en date était d'avoir obligé l'américain, qu'il détestait parce qu'il lui faisait de l'ombre et faisait mine de l'ignorer,, et le chinois, à se rendre au Danemark pour une réunion mondiale où l'on régulerait les pluies les vents et les nuages..Mais le grand beau noir des Amériques décida de se rendre en la capitale danoise avant que lui même y aille, et de n'y point rester pour l'attendre, ce qu'il considéra comme un affront..
L'ennui était que lorsqu'il entreprenait quelque chose cela virait le plus souvent à l'aigreur.
Ainsi cette épidémie porcine qui avait envahi l'Empire. D'emblée le gouvernement et la Bachelot, une grosse bourgeoise à l'air niais que Sa Majesté avait mise à la santé parce qu'elle avait autrefois vendu des potions, avaient annoncé que l'on était paré contre la propagation du mal. Hélas la maladie se répandit tout aussi facilement que le faisaient les grands fléaux du Moyen-Age, prouvant qu'en cela rien n'avait progressé. Fort heureusement il s'avéra moins destructeur qu'on eût pu le penser. Mais on décida d'acheter chez les potards-manufacturiers de la vaccine en grande quantité, à laquelle on mélangea moultes autres ingrédients qui n'inspiraient pas confiance, et, une fois payé tout cela, il fallut décider les gens à se le laisser inoculer. La Bachelot s'y prit de telle sorte qu'elle répandit la peur plus que la confiance. La situation me rappela ma grand mère courant derrière moi autour de la table pour essayer de me faire a valer une cuillerée d'huile de foie de morue. Pauvre femme!
Beaucoup en cette circonstance se rendirent compte que leur santé n'intéressait personne.
Le souverain se fût dans ce cas consacré à la préservation du service de santé publique plutôt qu'à sa destruction.
Mais ce qui comptait était de gagner beaucoup d'or avec la vente de vaccines incertaines. La rumeur commença à se répandre qu'on était même capable d'inventer des maladies pour cela..
Certains courtisans eux-mêmes se mirent à douter. L'Empereur ayant décidé, fidèle à sa doctrine de n'avantager que les riches , de supprimer une contribution due par les usines aux communes, et d'appauvrir ainsi ces dernières, Raffarin , un ancien premier ministre rallié au souverain, protesta publiquement. Mais lorsque le moment fut venu de voter la mesure, il vota pour, contredisant ainsi son idée première.
Il en alla de même pour des députés de la Cour, qui proposèrent que l'on votât une loi pour obliger la police à soumettre au Parlement la création de nouveaux fichiers. Toute la chambre, y compris l'opposition semblait approuver cette idée, mais le duc d'Hortefeux intervint sans doute avec l'aval de Sa petite Majesté, et la loi fut repoussée par les voix de ceux qui l'avaient proposée.
Tout allait cahin-caha, tout était incohérent et sans suite.
Le pays avait connu bien des vicissitudes au cours de son histoire, mais il rencontrait là un de ses pires régimes.
Plus l'Empire sombrait, et plus il se durcissait. On ne pensait qu'à interdire, qu'à multiplier les surveillances.
Voilà qu'au moment même où votre serviteur écrit ces lignes, Sa Majesté réduite vient de menacer le peuple d'une réglementation des manifestations le long des rues. La réglementation actuelle est paraît il trop ancienne et il est temps de la réformer.
Chacun sait maintenant que lorsque le souverain parle de réformes, le peuple a tout à craindre.
1 commentaire:
Succulent comme dab! Je retiens le nouveau surnom: Nicolas le Bref.
Trop bon !! Un p'tit gars qui nous causera que des pépins...
Amicalement
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