Je rentre d 'Espagne, plus exactement de Cantabrique, car prononcer lle mot Espagne en Espagne est devenu un juron, sauf en Castille évidemment.
Autrefois, pour un oui pour un non, à chaque occasion qui se présentait de lever le pied, nous filions vers le Sud.
A quelques heures de route, l'Espagne assurait l'exotisme le plus proche et le meilleur marché.
Bien sûr, régnait là-bas, « por la graça de Dios », un dictateur qui maintenait sous la contrainte un peuple famélique. Comment l'ignorer?
Mais il y avait le dépaysement garanti et les « Hoteles » de bord de routes qui offraient le gite et le couvert pour quelques francs.
Nous descendions la carte par le Pourtalet, Irun ou le Perthus selon l'inspiration du moment. Selon le temps dont nous disposions, nous nous arrêtions peu après la frontière, à San Sebastian, Saragosse, Pampelune ou sur la Costa Brava, cette immense réserve où l'on parquait (et encore) les touristes, et parfois nous menions plus loin nos explorations, jusqu'à Madrid,et après Despeñaperros, au plus profond de cette Andalousie sauvage et sensuelle, à l'écart du monde dont les échos n'étaient parvenus jusqu'à nous qu'à travers les niaiseries de Mariano et de Francis Lopez.
Ah nous en avons bouffé de la poussière sur les routes de Castille et d'Estrémadure, les routes défoncées qui poudroyaient rectilignes à travers la meseta, jusque aux sierras mauves qui cernaient l'horizon... Nous nous sommes enfumés les poumons à la fumée âcre des « Pégasos » qu'il fallait bien suivre sur des dizaines de kilomètres de virages caillouteux.
Et le cagnard... La plaine grillée à l'infini avec la seule ombre des poteaux de bois qui longeaient la route, la plaine ocre, aux villages couleur de terre, abrutis de chaleur. Même près de Jaen, les oliviers des collines ne réussissaient qu'à donner une ombre courte, ramassée, épaisse et chaude sur la terre nue.
Ce n'était pas encore le temps de la clim, et par les vitres baissées, l 'air s'engouffrait, brûlant dans l'habitacle.
Plus souvent qu'à son tour, la route, marquée sur les cartes Michelin par des alignées de croix rouges, jouait au voyageur le mauvais tour de disparaître au milieu des champs. Parfois sur des kilomètres seulement marqués par les rails terreux où s'engageaient les roues.
De temps à autre nous nous arrêtions dans un village désert où planait une odeur lourde de friture à l'huile d'olive, nous poussions les rubans de plastique ou de perles d'un rideau qui protégeait une entrée. Pénombre d'un bar où les mouches volaient dans des rayons de lumière, comptoir en formica ,sol jonché de papiers gras. La San Miguel était fraîche (souvent à l'excès), les « bocadillos » savoureux et gras.
Je crois que mon Espagne était née de la lecture des livres du vieil Ernest. « Pour qui sonne le Glas », « Mort dans l'après-midi » et surtout « Le soleil se lève aussi » n'y étaient pas pour rien. Ces lectures avaient occupé mon adolescence, et sans doute, au long des routes d'Espagne, dans les paysages espagnols, au coeur des villes et des villages, en ai-je recherché les images et les émotions.
Plus tard papa Ernesto a perdu de son prestige quand j'ai découvert qu'il n'était qu'un vieux con, génial certes mais vieux con quand même... N'importe. Même aujourd'hui je ne peux pas passer à Burguete sans penser au ruisseau à truites du « Soleil se lève aussi », et aux alentours de Madrid, je ferai volontiers un détour par la Granja ou la sierra de Gredos, pour revoir les lieux de « Pour qui sonne le Glas », dont les images ont malheureusement été ternies par la fumeuse américanerie ou Ingrid Bergman interprétait, oh sacrilège, le rôle de Maria!.
C'était l'Espagne des curés gras et du peuple maigre
Dans les villes, derrière les volets des demeures luxueuses, on jouait « Cria cuervos », le film de Saura qui nous fit d écouvrir ce qu'étaient les coulisses du franquisme.
Un jour enfin le caudillo consentit à mourir, (il était temps!) laissant sa place à ce monarque, terne et silencieux, dont tout le monde pensait que le temps n'allait faire qu'une bouchée... mais ceci est une autre histoire.
1 commentaire:
Ravie de vous retrouver, je vais aller me coucher avec de belles images en tête, voila qui est bien agréable en ce moment ou tout est gris
Amicalement Nalou
Enregistrer un commentaire