- Alors Victurnien ,
êtes vous allé au salon de l’agriculture ?
- Ah bê non !
Croyez vous que j’ai quatorze heures, moi, à passer là dedans ?
J’ai des choses bien pour cent plus importantes à faire , biner
les céleris , sarcler les carottes …
- Pourtant les
Français aiment bien les paysans . Ils sont quatre vingt cinq pour
cent à avoir une bonne impression de l’agriculture.
- Ah oui , ils
aiment la campagne , les vaches qui tirent la charrette de leur pas
lourd , le paysan qui pousse sa charrue et de temps en temps s’arrête
dans le soleil couchant pour s’éponger le front d’un revers de
main, les poules qui caquettent dans la cour de la ferme , les grands
chiens noirs qui se précipitent sur vous en jappant et vous
reniflent les talons . En même temps ils sont excédés par le chant
du coq ….Enfin , des rares coqs qui existent encore , parce que
voyez vous , tout cela est bien beau mais c’est dans l’imaginaire
des gens de la ville . Ca n’existe plus , pas plus que les
faneuses qui retournent l’herbe coupée, ou la batteuse qui
rassemble les gens autour du « bulli » après la moisson
. Ca c’est Farrebique !
- C’est quoi alors
la campagne aujourd’hui ?
- C’est le
silence. Plus de gens qui s’interpellent d’un champ à un autre,
plus de rires, plus de cris, plus de chants d’oiseaux , seulement
le ronflement des moteurs des gros engins… Plus de fermes à la
cour inégale , ni de fermière au seuil de la porte appelant les
poules, seulement les immenses bâtiments bétonnés des élevages en
batterie … Plus de haies vives , des champs jusqu’à l’horizon
, de la terre pauvre, sans insectes, sans vie.
- Pourtant le
sondage dit que les gens des villes trouveraient agréable d’habiter
la campagne .
- Oui sûrement ,
sauf les jours où on pulvérise les pesticides. Vingt huit fois par
an pour certaines productions comme les pommes.. .
- Il y a des mesures
prises pour protéger les gens !
- Tu parles !
Oui c’est ça , les pesticides sont priés de s’arrêter à
l’entrée du champ, et surtout de ne pas aller dans le village à
côté ou dans la cour de l’école s’il y a encore une école…
Et le plus triste, c’est que ce sont les agriculteurs eux-mêmes
qui, poussés par la FNSEA, demandent des dérogations pour épandre
plus encore et par tous les temps , alors qu’eux et leurs enfants
sont les principales victimes.
Remarquez on comprend , parce qu’à
force de la saupoudrer de produits chimiques, on a tué la terre .
Elle est morte . Donc il faut toujours plus de produits pour récolter
quelque chose . Vous voyez, même moi qui ne fais que du bio plus
bio que le bio, sans rien , hé bien je ne sais plus si mon bio est
bio !
- Vous avez une
vision bien sombre de la campagne Victurnien.
- Sombre ? Vous
trouvez ? On a tout détruit ! La voie ferrée abandonnée
est envahie de ronces, il n’y a plus de curé depuis longtemps ,
remarquez moi ça ne me manque pas , mais il n’y a plus non plus de
médecin, ni d’école , ni de poste , ni même de coiffeur,
d’épicerie ou de bistro !
L’hôpital est à quatre-vingt
kilomètres, sans autre moyen pour se rendre au bourg , que de
prendre sa voiture pour rouler au pas derrière quelque engin
agricole monstrueux qui encombre la route tortueuse et défoncée.
Alors quand les gens disent qu’ils aimeraient vivre à la campagne,
ça m’étonnerait que ça soit cette campagne-là qu’ils
imaginent …
Et pourtant… que
la montagne est belle !
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