En ce temps là, le divorce entre le petit Empereur et son peuple se trouva quasiment consommé. Il n'avait fallu guère plus d'un an aux sujets pour découvrir que leur souverain ne les aimait pas. Ils s'étaient mis à lui rendre la pareille, et le mécontentement enflait chaque jour. Et s'il croyait encore dégonfler par de beaux mots et de grandes paroles la bulle de colère qui enveloppait l'empire, ce n'était que vanité. On ne le croyait plus et la confiance en sa personne s'était perdue, dilapidée au fil de tant de mensonges et de mépris.
On se souvenait désormais des mauvais côtés, du début de son règne quand il avait cru éblouir ses sujets par l'étalage de ses fréquentations richissimes et de ses bijoux clinquants. L'admiration n'était point advenue, et aujourd'hui quand tout avait été défait, que le peuple souffrait sans que rien jamais ne vienne atténuer sa souffrance, cette arrogance du départ revenait comme un argument à charge contre lui.
Ce prince neuilléen, élevé dans un enclos de riches dont il n'était jamais sorti avant que d'emménager au palais impérial, ne connaissait ni les provinces de son pays, ni les habitants, ni leurs pratiques, ni leurs façons de faire, ni les combats qu'ils avaient dû mener au fil des derniers siècles pour s'assurer une vie décente. En quelques mois il avait détruit tout cela pour satisfaire l'avidité de certains qu'il jugeait méritants.
Il n'allait plus vers le peuple qu'entouré de centaines de gens d'armes pour faire barrage entre lui et le vulgaire, tant il craignait la colère des populations. Et lorsque, par hasard, il entendait des cris hostiles, il avait pris pour habitude de sanctionner en l'éloignant le préfet qu'il jugeait responsable du désordre.
Désormais il ne régnait plus que sur sa cour, distribuant aux siens les breloques prévues par le plus illustre de ses prédécesseurs pour récompenser les éminents services rendus au pays. De médiocres chanteurs de cabaret, d'anciens sportifs, des boutiquiers proches du monarque, se voyaient décerner l'objet, leur désignation ayant été guidée avant tout, soit pas leur proximité dans le cercle des courtisans soit par le montant des gains que leur avait value leur activité, (ainsi cette écrivaine étrangère récompensées pour avoir vendu par le monde trois cents quatre vingt dix millions d'exemplaires). Beaucoup d'ailleurs des sujets de Sa Majesté qui faisaient l'objet de la distinction étaient émigrés pour fuir les impôts impériaux. Ainsi étaient ils récompensés de leur refus de participer à la solidarité nationale....
L'argent était désormais le seul critère de valeur de l'individu, quels que fussent les procédés employés pour le gagner, quelle que fusse l'avidité de ceux qui le possédaient.
Et voici que les indigènes ultramarins des possessions lointaines que l'on négligeait depuis longtemps, qu'à vrai dire on avait toujours négligés, en vinrent à réclamer leur dû. Sa Majesté n'en tint aucun compte, marquant un souverain mépris pour leurs exigences, jusqu'à ce qu'ils se missent à réagir avec violence. Les troubles se multiplièrent et menacèrent d'embraser d'autres régions. Par crainte de la contagion, on envoya sur place un obscur négociateur, le Baron de Jégo qui en revint bredouille. La duchesse Mam, ministre des prisons dut envoyer aux Iles des forces de police, selon le principe que l'essentiel était de réprimer les troubles plutôt que de chercher à calmer les abus qui en étaient la cause. Enfin il fallut bien discuter après mort d'homme et force dégâts.
Pendant ce temps là se tenait la grande foire annuelle des paysans. Sa petite Majesté qui n'aimait pas plus que le reste, le monde rural, se sentit obligé de s'y montrer néanmoins. L'année précédente qui était la première de son règne il y avait eu maille à partir avec un visiteur qu'il avait fini par injurier d'une forme indigne pour un homme de son rang. Aussi, cette fois avait il pris des précautions.
Là où son prédécesseur, le vieux Chichi s'attardait, serrait des centaines de mains avec ses grandes paluches levées, engloutissait charcuteries , fromages, gâteaux campagnards de toutes sortes, mélangeait vins, cidres, bières, lui, traversa la manifestation de toute la vitesse que lui permettaient ses petites jambes, en évitant de glisser sur ses escarpins vernis à talonnettes, entre deux haies de ses partisans que l'on avait amenés la et disposés le long du parcours pour donner l'illusion des acclamations. Lui même était protégé au plus près par quatre vingt policiers de sa garde qui lui faisaient un rempart. A peine le Comte de Barnier, ministre de l'agriculture avait il le temps, ainsi qu'on le suppose, de lui désigner les animaux: « Vache, veau, mouton, cochon, dindon, oie, » pour qu'il ne se trompât pas, qu'il était déjà a cent mètres plus loin. De ce fait, s'il n'y gagna pas en popularité auprès du monde rural, on évita les incidents.
Mais après la révolte des indigènes de nos colonies, c'est encore un noir qui vint contrarier le petit monarque. Ce nouveau roi des Amériques dont sa Majesté s'était proclamé l'ami, décida de recevoir son premier invité en son palais d'outre Atlantique. Mais en lieu et place de recevoir le petit maître du monde et de l'Europe, celui qu'il eût dû admirer, courtiser et vénérer, celui auquel il eût dû témoigner autant de respect que d'admiration, ce fut au perfide anglais qu'il fit les honneurs de sa table. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir envoyé le Baron Kouchner quémander cette faveur qui semblait toute naturelle et intriguer auprès de l'entourage du nouvel élu pour l'obtenir. Rien n'y fit.
Cet Obama qui avait décidément de vilaines manières n'apprécia pas non plus que Sa Majesté ait, pour lui plaire, menti en public à propos de Bush qu'il avait tant flatté autrefois pour en obtenir quelque considération. « on ne peut pas faire confiance à cet homme », aurait aux dires de certains, proféré l'américain, rejoignant ainsi , si les paroles étaient vraies, une opinion de plus en plus répandue à l'intérieur même du royaume.
Pour toutes ces raisons, et d'autres encore comme cette longue colère des savants et des chercheurs, contre lesquels il avait tenu des propos insultants et qu'il n'appréciait pas, leur préférant n'importe quel saltimbanque qui faisait ses deux mille entrées, sa Majesté humilié et aigri, envoya sa ministre des médecins et des pharmaciens discréditer le vin, ce vieux et noble produit des terroirs de l'Empire. Comme il ne l'aimait pas il lui avait pris une idée d'interdire cette ancienne boisson. Il s'attira ainsi, en plus de toutes les autres la colère des vignerons.
Ainsi allait l'Empire. Mal.
1 commentaire:
Toujours aussi passionnant mais quand arrivera-t-on enfin à l'épisode de la révolution? On en piaffe d'impatience!
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