L'Empire avait chu
Le plébiscite avait rendu son verdict , et le résultat fut terrible pour Sa Petite Majesté. Ce fut non. Un non qui résonna comme le tonnerre d'une impitoyable foudre qui s'abattait sur l'Empire. Le peuple détaché de son souverain honni lui préférait le Hollandais !
Rien n'y avait fait. Sa Majesté, dans les derniers jours avait tout tenté. Il s'était rangé du côté des ultras pour en reprendre les idées.
Il avait séparé le bon grain de l'ivraie, le vrai travail , celui de ses amis , du faux, le présumé travail d'un peuple oisif, assisté, entretenu à ne rien faire. Il avait désigné le coupable de tous les maux, celui qui venait de loin pour chercher sa pitance et qu'il convenait de chasser au plus vite, sans que l'on prît soin de le traiter en être humain. Il avait dit la vraie religion, celle des racines chrétiennes, et il avait dit la fausse. Il avait dit en ces jours là tout ce qui lui semblait propice à ramener vers lui ce peuple qui s'égarait. . Mais le peuple se rappelait le Souverain arrogant et donné aux riches. Il était trop tard pour qu'il se baptisât ami du peuple.
Ainsi vint le grand jour. Au coucher du soleil, l'Empereur était encore Prince, au lever de la lune il n'était plus que défait. Le Hollandais célébrait son triomphe, mais point comme l'avait fait Sa Majesté le premier jour de son règne, autour d'une table de luxe scintillante de cristaux et de porcelaines raffinées, parmi les courtisans les plus fortunés, mais dans sa ville, au milieu de son peuple, dans les acclamations, les rires et la joie.
Sa Majesté se rendit en une salle où certains des siens s'étaient rassemblés pour y faire son discours d'adieux. Ce qui eût dû être fête, célébration joyeuse, acclamations et rires, n'était que larmes plaintes et jérémiades. L'Empereur se voulut digne dans la défaite, ses mots tristes s'élevèrent pour célébrer le pays et l'honneur de le servir, mais chez ce petit, ne se pouvait maintenir très longtemps la dignité propre aux grands, aussi finit il par dire à ses fidèles, qu'eux aimaient la Patrie, suggérant ainsi qu'il n'en allait point de même pour les autres.
L'Empire n'était plus !
Tout était fini. L'Aiglon voyait s'envoler ses rêves de règne . Parmi les grands de la cour beaucoup s'étaient trouvés désavoués jusques en leurs terres. Le Duc de Copé qui eût voulu être aigle de Meaux et d'ailleurs, se retrouvait roitelet de Brie. La Duchesse d'Alliot-Marie songeait à se retirer chez les basques puisque les terres du Bey lui étaient à présent fermées. La Marquise de Longjumeau, cette grande aristocrate qui parfois s'efforçait de faire peuple, avait vu le Hollandais triompher chez ses gens. Elle qui n'eût pas voulu paraître comme ultra, avait pourtant accompagné sans rechigner son maître sur ces terres glissantes. Le petit Marquis de Wauquiez avait lui aussi perdu le soutien de ses sujets du Puy. Et pour faire bon poids et bonne mesure le Comte de Bertrand avait en sa ville connu l'affront fait à ceux qui avaient de trop près connu et fréquenté l'Empereur. Il n'était jusques au Duc Jupé d'Aquitaine qui n'eût été humilié en voyant passer le Hollandais en tête en sa bonne ville de Bourdeaux !
La Morano, le Baron Lefebvre, le Marquis d'Hortefeux , le Comte de Guéant qui n'avaient jamais été grand chose, n'étaient plus rien. Sa Majesté les avait faits, sa chute les défaisait
D'autres, comme la Marquise de Bachelot prirent la décision de se retirer de toute vie publique et de consacrer désormais leurs jours au tricot et au crochet. La Cour était comme si un typhon s'y fût abattu. Certains avaient disparu. Le traître Besson, le duc de Boirleau n'avaient laissé aucune trace.
Dans ces ruines, dans cette tristesse, en ce temps de deuil et de mélancolie, certains narrèrent pourtant quelques intermèdes comiques.
Ainsi la jeune Yade, qui ayant déserté le camp de Sa Majesté n'avait pu trouver ailleurs de port d'attache, était rentrée à la Cour comme une chatte fugitive qui affamée regagne son écuelle après son escapade. Mais ce fut au mauvais moment.
Il en fut ainsi également pour Maître Allègre, vieux bouffon qui se prétendait savant, et qui après avoir longtemps trouvé refuge dans les rangs des opposants tout en lorgnant du côté du pouvoir, de ses supposés délices et de ses beaux avantages, s'était enfin lancé et n'atterrit dans les rangs du souverain que pour assister à sa perte. Il en fut qui s'esclaffèrent en se demandant lequel avait porté malchance à l'autre.
Le Duc de Fillon Premier Ministre de Sa Majesté, dont nous n'avons pas encore parlé, s'était peu montré en ces temps troublés. On lui prêtait l'intention de prendre la tête de l'opposition au Hollandais et de rassembler les forces impériales dispersées et en lambeaux. Mais d'autres avaient eu semblable idée. Ainsi en était il du Duc de Copé. Ils étaient comme deux chiens hargneux à convoiter le même os et la suite ne manquerait pas de saveur.
D'étranges choses survirent entre la chute de l :'Empire et l'arrivée du Hollandais. Ainsi le Marquis de Chatel , ministre impérial de l'ignorance, se hâta-t-il de signer quelque dernière loi scélérate afin de nuire encore s'il le pouvait. Une harpie, représentante de Sa Majesté en une lointaine province ensoleillée, décréta qu'elle n'aurait pas à se soumettre au Hollandais puisqu'il était illégitime, incompétent et physiquement affublé de bras trop courts pour gouverner. Il fut surprenant de voir que personne ne s'occupait de l'hystérique ni ne songeait à l'emballer dans quelque camisole ou à l'enfermer au couvent..
Le plus extraordinaire fut de voir Sa Majesté enfin calme, détendu, doux comme un agneau, prévenant envers son vainqueur, plein d'urbanité et de dignité.
Que n'eût il commencé par là !
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