Je n'ai pas aimé cette Bérénice là, je parle de la pièce dans son ensemble, non pas de l'actrice Martine Chevallier, qui est la seule m'a-t-il semblé à laisser passer de l'émotion dans son jeu.
Dès que le rideau s'est ouvert et que j'ai reconnu les colonnes d'Andromaque, j'ai pressenti que je n'aimerais pas. Sans doute n'étais je pas dans d'assez bonnes dispositions pour être bon public. Il y avait du boulot à faire pour me convaincre.
Les colonnes pourtant , je les avais bien aimées dans Andromaque. Une fois c'est bien. Mais est ce qu'on est obligé de jouer Racine au milieu des colonnes ? Les acteurs perdraient-ils l'équilibre, tomberaient ils en avant s'ils ne pouvaient pas s'appuyer quelque part ?
Les colonnes, ça impose un jeu, des poses affectées, ostentatoires. Je me suis posé des questions. Pourquoi faut il se précipiter pour aller s'appuyer à la colonne. L'actrice (en l'occurence Adeline d'Hermy) a-t-elle remarqué une fissure, une faiblesse de la maçonnerie ? Veut elle protéger ses compagnons en retardant la chute ?
Les autres ne s'en rendent pas compte, ils scandent leurs alexandrins, sans omettre les liaisons, ni les césures, ni les virgules.
Tout cela est bien dit et le texte est sublime.
Ce que je remarque quand même, c'est qu'ils clament leurs vers sans regarder la plupart du temps celui auquel ils s'adressent. Ils parlent dans le vide. Quand ils sont trois, deux regardent dans le même sens et le ou la troisième leur tourne le dos.
Ces personnages hiératiques, vêtus de costumes sombres et ternes, sont froids, distants. Pourquoi cette espèce de redingote de clergyman pour Titus ? Je me rappelle avec nostalgie les beaux costumes intemporels et diaphanes d'Andromaque.
Et puis c'est une pièce sans action.
Racine lui même a dit : « Toute l'action consiste à faire quelque chose de rien »
A force qu'il ne se passe rien, on arrive quand même à un dénouement irrémédiable, une séparation définitive, « malgré lui, malgré elle ». Les deux amants vont aller chacun de leur côté vers leur destin.
C'est tout le contraire de l'Europe d'aujourd'hui où tout le monde s'agite pour n'arriver à rien, et où toute l'action consiste à faire rien de quelque chose.
Et à force qu'il ne se passe rien, et que l'émotion ne me parvienne pas, que les décors ni les costumes, ni l'attitude des acteurs ne m'enchantent, je commence, moi modeste spectateur, à me dire que je profiterais autant de la beauté du texte si bien scandé si je fermais les yeux quelques instants. Merci à ma voisine de droite pour ses coups de coude.
Comme il ne se passe toujours rien, je commence à ressentir l'inconfort du siège. C'est toujours mauvais signe quand j'éprouve le besoin de me tortiller d'une fesse sur l'autre. Et les fauteuils de Richelieu sont particulièrement inconfortables. Est-ce voulu ?
Je dis qu'il ne se passe rien mais ce n'est pas tout à fait juste. Un téléphone sonne quelque part malgré toutes les mises en garde.
Une spectatrice deux rangs devant, essaie d'étouffer ses quintes de toux. C'est pire que si elle toussait un bon coup. Finalement elle sort faisant lever toute la rangée. Dix minutes après elle revient...
Et quatre fois partie, quatre fois revenue...
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice...
Allons Muriel, rendez nous, Hermione...
1 commentaire:
Une action ou il ne se passe rien, moi j'appelle ça "une réunion au boulot"
Franchement Yves la prochaine fois vas au ciné !
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