Adolescent, j'imaginais la Suède comme une sorte de paradis .
D'abord parce que les mœurs y étaient beaucoup plus libres que chez nous. Nous fantasmions beaucoup sur les rapports faciles aux jolies suédoises.
Mais il y avait aussi le développement social , l'égalité pour tous, la protection de l'individu , de sa santé, de son niveau de vie, de sa vieillesse, qui nous fascinaient.
L'objectif de notre politique à nous devait être, nous semblait il de rejoindre leur niveau de développement. Et jusqu'à un certain point nous avons tendu vers un but approchant.
Jusqu'à ce qu'on vienne nous dire avec mépris que l' « état providence » , évidemment payé par nos impôts dans un but de solidarité, c'était de l' »assistanat » pour les plus vulnérables, et que les riches refusaient de payer l'impôt, que les entreprises pour mieux goinfrer leurs actionnaires ne rêvaient que de baisses de « charges », et qu'après tout, ceux que la société nouvelle excluait , en les rejetant par exemple du marché du travail, n'avaient qu'à se débrouiller. Jusqu'à ce qu'un minus vienne saccager les services publics pour que ses copains puissent se vautrer sur les matelas d'or de la privatisation.
Et la Suède me direz vous...Bien entendu le peuple suédois subit aussi les effets du libéralisme à outrance,. Même si un gouvernement de droite sait bien qu'il serait condamné dès lors qu'il s'en prendrait à ce qui fait la qualité de la vie suédoise. C'est pourquoi jamais un tel sujet n'a été à l'ordre du jour jusqu'à présent. Les protections sociales sont toujours peu ou prou en place.
La Suède a conditionné son appartenance à l'Europe à un certain nombre de dérogations pour préserver sa spécificité. Mais de plus en plus de services publics sont sous-traités au privé, les directives européennes sur le marché du travail pèsent là comme ailleurs sur l'emploi. Le chômage qui ne dépassait pas 2% dans les années 90 est maintenant à 9%, le travail et beaucoup d'autres choses sont déréglementés.
La droite voudrait toujours moins d'état, moins de contrôles, la Social -démocratie « moderne » qui avait fait du plein emploi son cheval de bataille, ne trouve rien à redire à cela.
Les suédois des classes moyennes et supérieures continuent à s'habiller cool et confortable dans des tissus dont le seul aspect sent la qualité de bon aloi , même si c'est au détriment d'une mode tape à l'oeil. Pour les autres c'est comme partout le jean et la casquette...
Sur les routes on rencontre toujours les Volvo et les Saab aussi confortables et rassurantes que les vestes de drap épais et qui furent le symbole d'une industrie automobile florissante, et mais qui sont depuis les dernières décennies passées en des mains étrangères.
Mais il y a aussi des pauvres en Suède. Bien sûr les inégalités se sont creusées. Sans doute moins que chez nous. Sans doute les immigrés y sont ils mieux traités qu'ici, Sans doute l'enseignement, la santé, sont ils plus respectés. Néanmoins ici comme partout le libéralisme fait ses ravages.
Il y a autre chose. La Suède s'américanise.
Oh il y a longtemps que les weekends les petites villes endormies sont troublés par les ronflements de moteur et les hurlements de pneus des belles américaines des années 60, Mercury , Buick, Ford galaxie, Pontiac GTO, Malibu et autres Chrysler Imperial qui tournent autour des pâtés de maisons, exhibant leurs carrosseries étincelantes et leurs pneus flancs blancs, conducteurs de tous âges , mais beaucoup quinquas ou plus, certains le Stetson sur la tête, d'autres, et parfois la boîte de bière à la main chose étrange dans ce pays où le degré d'alcool toléré est de zéro,. Mais les soirées sont longues dans le Nord, et il faut tromper l'ennui.
La civilisation américaine a aussi débarqué , là plus qu'ailleurs avec ses profusions de fast-food. Il y en a partout en ville et sur certaines aires d'autoroutes, on en compte trois qui se font face ou se côtoient. Le prix à payer se remarque un peu partout. Voici un peuple qui paie son tribut à la malbouffe. L'obésité gagne du terrain.
Mais ce n'est pas tout. Le touriste qui se rend en Suède (et d'ailleurs dans les autres pays scandinaves), n'a aucun effort à faire pour parler , ne serait -ce que quelques mots usuels de la langue du pays. On ne s'adressera à lui qu'en anglais, y compris dans les petits villages les plus reculés.
Il y a une vingtaine d'années, les français étaient assez souvent interpellés par des autochtones fiers de montrer leur savoir dans la langue de Molière.
C'est fini.
Il y a une dizaine d'années, on pouvait, au restaurant demander une carte en français : le serveur disparaissait quelques instants et revenait en brandissant l'objet demandé.
Aujourd'hui la même demande provoquera sur son visage un air désolé et le sourire crispé de celui qui se trouve face à une situation incongrue.
Merci à tous les dirigeants qui se sont si bien occupés de notre belle langue !
Au fil du temps la Suède, en diverses régions est devenue tout à fait comparable à un état de la Nouvelle Angleterre, le Maine ou le Vermont …
Saab mises à part...
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