« - Qu'est ce qui a changé ici depuis tout ce temps ? » m'a demandé la jeune fille à la réception du centre pour touristes d'Abisko...Spontanément la réponse qui m'est venue était « rien », faisant lever des regards surpris.
Rien... Je voulais dire par là que les bâtiments de brique rouge n'ont pas changé d'aspect même s'ils ont été intérieurement rénovés à plusieurs reprises, que le paysage n'a pas bougé , avec le lac en contre-bas, la forêt qui l'entoure, les montagnes qui ferment l'horizon, la voie ferrée protégée de la neige par des tunnels de bois, où roulent toujours les lourds convois en direction de Narvik, la petite gare en face du centre où le train de Stockholm déverse sa cargaison de routards et de randonneurs, et bien sûr les moustiques, les myriades de moustiques qui s'abattent sur vous si par malheur vous avez omis de vous enduire du répulsif adéquat.
Mais quand même, en ce temps là, c'est à dire voilà plus d'un demi-siècle, ce qui ne me rajeunit pas, il n'y avait pas de route pour venir. Il y avait aussi au fond du fjord de Narvik des ouvriers italiens qui démantelaient les carcasses de navires coulés là lors de la fameuse bataille d'Avril 1940. Et les vaches suédoises aussi ont changé qui n'avaient qu'une corne molle au milieu du front.
Plus de 50 ans. C'est dire qu'entre la Suède et moi c'est une longue histoire, depuis ce premier voyage ferroviaire de jeunes étudiants avides de découvertes qui nous aventurions loin de nos bases à la conquête du plus grand des petits pays ou du plus petit des grands pays selon l'expression du guide Odé de l'époque, que je viens de retrouver avec plaisir au fondsi d'un carton poussiéreux.
Autrefois, on atteignait la Suède en bateau, par la traversée Helsingor- Helsinbörg, en jetant un coup d'oeil lorsqu'on quittait le Danemark sur la silhouette trapue du château d'Hamlet. Aujourd'hui deux gigantesques ponts, celui de Nyborg au Danemark et celui qui , entre Copenhague et Malmö déroule son tablier de dix sept kilomètres , tantôt au dessus des flots, tantôt en tunnel sous-marin, nous y conduisent.. Mais après , rien n'a tellement changé en apparence.
Le Sud , ce sont des cultures, des forêts, des petites villes endormies auprès des lacs. Ce sont les paysages des films d'Ingmar Bergman , et les terrains de chasse de l'inspecteur Wallander.
Car Bergman, comme Mankell, nous disent des choses sur la Suède. Bergman nous décrit les tourments de l'âme suédoise, les névroses que cachent les silhouettes tranquilles des suédois, les conflits intérieurs ou contenus qui peuvent tout à coup se révéler et s'exacerber. Mankell expose au grand jour la violence que recèlent ces paisibles paysages, et cette société en apparence si consensuelle.
Ce sont les premières impressions que donne la traversée du pays d'Ouest en Est, vers la côte du golfe de Botnie. J'aime Kalmar et le longue ile d'Oland avec tous ses vestiges des civilisations passées.
Et Stockholm, sa magie de ciel et d'eau confondus, « la ville qui nage sur l'eau « comme l'a appelée Selma Lagerlöf. Ah quitter Stockholm au couchant par l'un de ces gigantesques ferries de la Silja qui font la traversée du golfe en direction de la Finlande, quand s'allument les lumières sur toutes les ïles de l'archipel, est un vrai moment de bonheur.
Mais restons en Suède. Au Nord de la capitale, il y a Uppsala , la ville universitaire que dominent les deux flèches élancées de sa cathédrale.
La vieille université, le château dominent la riviére bordée de vieilles rues, de restaurants, de jardins où l'on peut s'asseoir entre des bandes de jeunes étudiants pour contempler les nénuphars.
Après Uppsala, il y a la montée vers le nord. Il n'y a guère de routes qui traversent ces immenses espaces semi désertiques. Celle qui longe la côte par Uméa et Luléa où la visite de l'ancienne ville en bois vaut le coup d'oeil, et celle qui passe par le centre à travers forêts et paysages lacustres par Orstersünd et Arvidsjaur où on atteint le pays des Sâmes.
Plus on monte , et plus le crépuscule s'allongent jusqu'à ne plus faire qu'un avec l'aube suivante. Passé le cercle polaire, la taille des arbres décroît au point que beaucoup de paysages se transforment en taïga plantée de bouleaux nains. Et il y a les rivières qui courent, et parfois les rennes en troupeaux qui traversent les routes rectilignes.
Lors de mon premier voyage, nous regardions par les fenêtres du train, le flottage des bois sur les rivières. Aujourd'hui il n'y a plus de flottage, mais des pêcheurs de saumons.
C'est ainsi que l'on atteint Kiruna et ses mines à ciel ouvert. Même si la mine la plus grande du monde est aujourd'hui en sous sol au point qu'on va déplacer la ville menacée d'effondrement, le spectacle est impressionnant. Cela doit être quelque chose en hiver, sous les éclairages et dans l'épaisseur de la neige.
Kiruna est la ville qui a fait un temps du moustique un argument de vente touristique.
Après Kiruna, les convois de minerai partent vers le port de Narvik et passent par Abisko. La boucle est bouclée...
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