L'empereur s'ennuyait, seul au fond de son palais. Tout allait mal en l'Empire. Rien ne le pouvait plus distraire, même la naissance de cet héritier, dont en d'autres temps il eût fait une grande fête pour éblouir le peuple et s'y montrer à son avantage.
Quand le temps serait venu de se prévoir un successeur , à condition que l'Empire existât encore en ce temps là, conviendrait il d'organiser une primaire entre les quatre aiglons ?
Le mot primaire était fort à la mode, ce qui donnait au souverain des aigreurs d'estomac. Les opposants sous ce terme avaient imaginé de débattre aux yeux du peuple afin de se désigner un chef et de prévoir ce que serait le régime s'ils parvenaient à chasser l'Empereur. Au début Sa Majesté en avait ri, traitant de stupide leur entreprise. Mais le peuple s'était pris au jeu, délaissant toutes ses tentatives de les distraire des débats.
C'était une période où tout se retournait contre lui. Les gros cailloux qu'il avait semés pour égarer ses adversaires lui sautaient au visage l'un après l'autre. Il se sentait délaissé. Beaucoup, parmi les courtisans qu'il eût cru fidèles complotaient de l'abandonner à son sort.
Les riches qu'il avait tant avantagés et nourris de ses bienfaits le regardaient de haut, avec l'arrogance et l'ingratitude qui sont l'apanage de leurs rangs.
Les conseillers qu'il avait entretenus et chargès de mener à bien ses secrètes affaires, s'étaient avérés bêtes et corrompus. Des juges peu enclins à faire plaisir à Sa Majesté avaient découvert sous les lambris dorés du Palais un fumier de turpitudes.
Le Souverain qui parfois encore avait de soudaines visions où il se pensait le maître du monde, n'était plus qu'un être chétif qui ne se montrait plus au peuple, craignant de l'affronter, et qui passait son temps en zapperies sur sa lanterne magique.
Or voici qu'un jour, sur l'écran de celle ci, Poutine apparut. Le maitre de toutes les Russies, le torse nu , oint d'huiles, le biceps gonflé, le pectoral avantageux, vêtu tel Tarzan d'une culotte en peau de bête, un poignard au côté, venait d'étrangler à mains nues un tigre de Sibérie qui semait la terreur près d'un village.
Sa petite Majesté considéra quelques instants l'étrange scène en silence, puis il sonna son Chambellan qui accourut à son appel :
« Guéant, Guéant, dit Sa petite Majesté, que l'on m'apporte céans un slip en peau , une dague pour mettre au côté, et un pot d'huile de palme, je veux aller de ce pas chasser le fauve à Rambouillet.
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Mais Sire, répliqua Guéant, il n'y a point de fauves a Rambouillet, et imaginez vous que vous tiendrez la force avec vos petits bras d'étrangler même un lapin ? D'ailleurs qu'il me soit permis de rappeler à Votre Majesté que votre Majesté a une telle crainte d'un simple manant courroucé qu'il lui faut six compagnies de mousquetaires à ses côtés pour chacune de ses sorties hors du palais, et que si Votre Majesté voit un simple moustique il faut que trois hommes de la Garde se précipitent pour le tuer.
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Peut me chaut, Guéant, moi, Empereur , prince de ce pays, je me déclare l'égal de Poutine et aussi apte que lui à tuer des fauves à mains nues.
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-Majesté, voyons , regardez le Maître de toutes les Russies et regardez vous. Voyez l'effet de puissance glaciale et insensible qui se dégage de lui. Vous, vous ne semblez dans vos efforts qu'un petit homme grimacier et en colère.
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Je devrais vous faire arrêter sur le champ pour ces propos ,Guéant, mais je n'ai plus que vous à qui dire mes projets. Même Fillon ricane dans mon dos et rêve de me soumettre aux primaires. Cependant n'oubliez pas que je suis votre maître et que s'il me convient je peux vous mettre à la roue, impertinent. Cessez de répliquer, je veux et j'ordonne , moi prince de ce pays, que l'on me présentât un animal sauvage à tuer pour le vingt heures de TF1
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Mais Sire, avez vous songé aux ligues de défenseurs des animaux ? A la Bardot ?
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Si fait, si fait, mais qu'importe, j'ordonne et j'exige ! Que l'on se rende à Thoiry, voir s'il n'est point par là-bas quelque vieux lion édenté. J'irai le tuer après vêpres, pour l'avoir achevé à vingt heures. Que l'on prévienne mes mousquetaires et ma garde de mon déplacement là-bas au cas où des manifestants se placeraient sur mon chemin.
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Sire un dernier mot... Croyez vous qu'un vieux lion même édenté ne puisse attraper Votre si petite Majesté et l'engloutir en sa gueule rugissante ? Tout le haut y passera, et que verra le peuple au vingt heures ? Un postérieur, la seule partie de votre anatomie trop grosse pour que le lion l'avalât, et deux petites jambes gesticulantes... Et surtout ,Sire, surtout...
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Hé bien quoi Guéant, dites !
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Les talonnettes, Sire, les talonnettes...
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Je n'y avais point songé, Guéant. Disposez.
Et l'Empereur se replongea dans sa mélancolie. Il se souvint qu'il avait dit autrefois : « Je ne repeins pas la réalité en rose, mais finalement gouverner est plus facile que je ne le pensais. »
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