Conseils à un chef d'état en péril...
Imaginez que vous êtes un chef d'état désavoué, discrédité, détesté par ceux là même qui vous ont élu. Un chef d'état au fond du gouffre et qui ne voit pas la solution pour remonter la pente. Pays ruiné, gens appauvris, services publics saccagés, dette au plus haut, pouvoir d'achat au plus bas, ricanements dans le monde dès que vous mettez le nez à la fenêtre. Votre diplomatie est si nulle qu'elle a laissé passer les révolutions qui viennent de secouer des pays proches sans apporter le moindre soutien aux populations en révolte.
Enfin tout va au plus mal et les élections approchent. Vous êtes au fond du fond des sondages. Toutes les pauvres petites manoeuvres que vous avez tentées en spéculant sur la haine sur le rejet sur la division, loin de vous sortir du trou entrainent vos électeurs vers d'autres .
Enfin rien ne va. On ne miserait plus un kopeck sur vous. Que faire ?
Que faire ? Mais une guerre pardi ! Une bonne vieille petite guerre des familles. La guerre c'est toujours bon, vous pourrez serrer les dents, avancer le menton, prendre des allures de matamore... Vous viendrez parler avec gravité et solennité devant le drapeau.
C'est bien la guerre. Mais attention ! Ne vous imaginez pas que ça se fait facilement de nos jours, une guerre c'est très réglementé. Autrefois, il suffisait d'envoyer une dépêche méprisante, de s'arranger pour recevoir un coup d'éventail ou d'assassiner un archiduc pour que le monde s'embrase. Aujourd'hui il convient de faire ça dans les règles.
D'abord se choisir un ennemi, un tyran qui fait tirer sur son peuple par exemple. Il ne manque pas dans le monde de tyrans tout à fait disposés à tirer sur leur peuple. C'est un choix pratique parce qu'on peut le justifier pour des raisons humanitaires.
Attention quand même ! Il serait tout à fait malvenu et contre productif de choisir parmi tous les tyrans, un tyran que vous avez invité en grande pompe et à qui vous avez essayé de refiler des quantités d'armes tout à fait aptes à exterminer les populations. Ca ferait très mauvais genre et vous risqueriez de passer pour un charlot.
Ne pas prendre non plus des tyrans amis des Etats Unis, comme ceux du Bahrein, de l'Arabie saoudite ou du Yémen. Ceux ci ne sont pas touchables, ils servent.
Quand votre choix sera fait, vous pourrez commencer à faire des déclarations fracassantes avec de jolis mouvements de menton, et à agiter les menaces. L'agitation des menaces est toujours un moment qui fait frémir les foules. Mais les menaces n'auront en elles mêmes aucun effet tant que vous n'aurez pas l'autorisation et que vous ne serez pas agréé pour mener la guerre.
A qui présenter votre dossier ? Mais aux USA voyons, qui sont les seuls capables à condition qu'ils le veuillent bien de faire accepter votre projet par un nombre de pays suffisant pour être appelé Communauté internationale. Ici deux hypothèses. Soit votre projet de guerre n'intéresse pas les USA, et là c'est râpé. Vous aurez l'air d'un matamore inconscient qui veut mettre le monde à feu et à sang, et vous pouvez remballer vos menaces. Par contre si votre projet est propulsé par les américains , cela vous donnera le droit d'aller rouler des mécaniques en disant que le monde entier s'est rangé derrière votre bannière et vous a promu commandant en chef de l'humanité. Mais dépêchez vous. Dès le vote acquis, pas la moindre tergiversation. Il faut envoyer vos avions en premier pour bien montrer, surtout à votre peuple ébahi, ou que vous supposez tel, que vous êtes le maître. Si les américains vous ont à la bonne ils vous laisseront exhiber vos muscles pour cette première vague. Vous pourrez montrer que vous êtes un chef puissant. Il faut faire vite car tout de suite après ils vont prendre le commandement, vous vous trouverez forcé de vous aligner sous leurs ordres, et de montrer ce que vous êtes réellement, c'est à dire un larbin qui portera les responsabilités de l'opération, de ses bavures, et de son échec éventuel.
Parce qu'il y a aussi des risques. D'abord des pertes ne sont pas exclues, en hommes et en matériel. C'est toujours mal vu les pertes. Un peuple accepte la guerre à condition qu'il y ait pertes zéro, risques zéro.,
En outre il y a les dégâts collatéraux . Ca c'est moins grave, puisque les hôpitaux bombardés par erreur, les marchés, les routes où s'enfuient les civils sont loin. On voit juste un peu au journal de vingt heures. C'est embêtant les dégâts collatéraux, mais on n'y peut rien puisque c'est pour une juste cause, libérer un peuple d'un tyran. On ne peut pas faire d'omelette sans casser d'oeufs. Le fin du fin est de ne pas trop dépasser le nombre de morts qu'aurait causé le tyran lui même par ses propres exactions.
Autre problème, la guerre coûte cher pour un pays que vous avez ruiné depuis que vous êtes là, pour des gens que vous avez mis à l'eau et au pain sec par votre politique débile. Mais vous trouverez les mots pour expliquer que non, qu'elle était déjà budgétée dans les dépenses des armées. (Sans doute cet argent là aurait il été perdu si vous ne vous en étiez pas servi, on connait la rigidité des dépenses publiques). Donc cela n'a rien à voir avec la fameuse dette laissée en héritage aux enfants dont vous avez tant rebattu les oreilles des citoyens.
Enfin , le jour venu, au bout d'un temps imprévisible, il faudra bien remplacer le tyran. Par qui? Un autre tyran, plus convenable, plus enclin à laisser vos chefs exploiter son pétrole? Un fantoche obéissant au doigt et à l'oeil? Des religieux fanatiques? Peut être la situation sera t elle pire qu'avant.
Cela s'est déjà produit. Mais l'élection sera passée. La vôtre. Si vous l'avez perdue, vous laisserez votre successeur et vos concitoyens se dépatouiller du guêpier. Si vous l'avez gagnée c'est vous qui serez englué dans votre propre bourbier.
Au cas où la guerre s'avèrerait insuffisante pour vous sortir du trou, il y a encore une ultime solution. Vous pourrez essayer de faire des mamours à un parti extrémiste dont vous plagiez les idées et que vous avez conforté par vos campagnes de haine. Il est bien certain que vous essaierez, mais je ne sais pas si vous y arriverez.
La guerre, c'est le mieux.
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